Sans surprise, le paysage politique au Palais du Luxembourg reste stable et ancré à droite après les sénatoriales. On se doutait que le scrutin n’allait pas bouleverser les équilibres. La droite de gouvernement reste majoritaire, profitant d’une part du fait que les sénatoriales constituent mécaniquement une réplique des municipales de juin dernier, d’autre part du mode de scrutin qui amplifie la dynamique grâce à la « sur-représentation » des grands électeurs ruraux.

Les cinq enseignements des sénatoriales

  • La Droite et le Centre conservent la majorité à la Haute Assemblée
  • LREM « sauve les meubles »
  • Le groupe socialiste reste le premier groupe d’opposition
  • Les écologistes de retour au sénat
  • « L’union de la gauche est un combat »

La Droite et le Centre conservent la majorité à la Haute Assemblée

« Cette élection vient conforter la majorité sénatoriale de la droite et du centre », a déclaré dans un communiqué Gérard Larcher, qui sera candidat à sa succession au plateau du Sénat. Avec 86 sénateurs (+10), le groupe LR atteint un étiage haut par rapport à ses prévisions. Bruno Retailleau, confortablement réélu, parvient à remporter en Vendée les trois sièges à pourvoir dans son département et se place en position de force pour conserver son poste de président de groupe… avant de se lancer probablement dans la course à l’investiture LR pour les présidentielles. A noter également l’élection de Valérie Boyer, ancienne Députée LR des Bouches du Rhône dans ce même département.

Le groupe Union centriste qui comptait 51 membres avant ces élections pourrait intégrer certains sénateurs élus sur l’étiquette divers-centre et se renforcer également. Hervé Marseille devrait être reconduit à sa tête. Le troisième groupe de la majorité sénatoriale, le groupe « Les indépendants », plus compatible avec la majorité présidentielle, pourra quant à lui se maintenir pour cette prochaine mandature.

Parmi les centristes réélus : Dominique Vérien (UDI) dans l’Yonne, Philippe Bonnecarrère (Tarn), Bernard Delcros (Cantal), Evelyne Perrot (Aube). Le président du groupe des Indépendants, Claude Malhuret, est confirmé dans l’Allier, ainsi que Daniel Chasseing en Corrèze et Alain Marc en Aveyron.

Globalement, c’est une véritable dynamique que connaît la Droite sénatoriale à la hauteur de ce qui s’est passé lors des dernières municipales. Eclipsée par les succès des écologistes dans plusieurs grandes villes qui avaient créé une certaine illusion d’optique sur le rapport de force politique issu des urnes en juin dernier, la victoire de la droite « classique » se trouve logiquement confirmée à l’occasion de ces sénatoriales. Le mode de scrutin semble avoir même amplifié cette dynamique. La réélection des sénateurs du centre et de la droite dans des départements comme l’Aveyron et le Cher avec des scores particulièrement élevés est à ce titre révélatrice.

LREM sauve les meubles

Les observateurs s’attendaient à voir La République en Marche très affaiblie au soir du scrutin. Si son groupe au Sénat n’avait que peu d’espoirs de gagner des élus, le nombre de sièges glanés lui permet toutefois de se maintenir finalement à un niveau quasiment inespéré (19 sièges conservés sur 23). La réélection surprise de son président, François Patriat, en Côte d’Or et l’élection du Secrétaire d’Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne dans l’Yonne illustrent cette relative bonne tenue. L’idée fait même son chemin d’un élargissement du groupe à d’autres parlementaires ayant voté la confiance au gouvernement de Jean Castex.

Il n’en reste pas moins que La République en Marche ne parvient pas à s’implanter au sénat, conséquence de ses échecs aux municipales et de son incapacité à « parler aux territoires ». C’est bien le paradoxe de la période politique que nous vivons : les partis de l’ancien monde gagnent les élections locales intermédiaires ; les deux partis présents au second tour des présidentielles en 2017 enjambent allègrement ces scrutins. Ce phénomène affaiblit LREM sans pour autant obérer les chances de réélection du Président de la République. La séquence qui s’ouvrira après mars prochain après les Régionales et les Départementales montrera s’il sera de nouveau possible de gagner une élection présidentielle, sans partis et sans relais parmi les élus locaux.

Ces élections sénatoriales constituent avant tout l’élection des territoires ; or il est frappant de voir que le hiatus originel qui s’est établi entre La République en Marche et les territoires perdure. Il fait peu de doute que les élections régionales et départementales de mars prochain seront tout aussi difficiles pour le parti du président, dont la stratégie d’alliance n’est pas encore clairement établie.

On pourrait avancer, dans une moindre mesure, la même analyse s’agissant du Rassemblement National, qui ne conserve qu’un seul siège avec Stéphane Ravier (affaibli par sa défaite aux municipales dans le 7secteur de Marseille, le sénateur a pu compter sur des soutiens venus d’autres bords).

Le groupe RDSE toujours vivant

Le groupe radical du Sénat (RDSE) était en danger. Plutôt affaibli, il s’en sort avec 12 sièges de sénateur, soit moitié moins que dans l’assemblée sortante. Au-dessus du seuil généreux de 10 sénateurs, le groupe est sauvé d’autant qu’il pourrait intégrer certains sénateurs élus sur l’étiquette « divers gauche ».

Le groupe socialiste reste le premier groupe d’opposition ; les écologistes pourront reformer un groupe

Le scrutin confirme la bonne tenue du parti socialiste, donné pour mort il y a encore quelques mois ! Son groupe reste le premier d’opposition, et seul en capacité de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Il perd toutefois quelques sièges passant à 65 (contre 71 avant ces élections) au profit, notamment, de son allié EELV.  Les lignes semblent en effet bouger quelque peu entre socialistes et écologistes, tantôt alliés dans la majorité des métropoles, tantôt concurrents dans les campagnes.
Sont notamment réélus au sein du groupe socialiste Gisèle Jourda (Aude), Nicole Bonnefoy (Charente), Jean-Jacques Lozach (Creuse), Franck Montaugé (Gers). Sont élus Marie-Arlette Carlotti (Bouches-du-Rhône) Serge Merillou (Dordogne).

La création possible d’un groupe écologiste au Sénat avec 12 membres est l’autre information de cette soirée électorale, et probablement la seule nouveauté. Esther Benbassa pourrait se porter candidate à la présidence de ce nouveau groupe, lequel compterait dans ses rangs le nouveau et premier nationaliste élu au Sénat, Paul Toussaint Parigi (Haute-Corse).

« L’union de la gauche est un combat »

La stratégie d’union locale à gauche, qui pourrait préfigurer une union à l’échelon national, a globalement fonctionné, en particulier dans les départements urbains (à Marseille, Lyon et Strasbourg). Ces accords communs PS, EELV, PC ont permis la stabilisation d’une part des groupes socialistes et d’autre part communistes et républicains (15 sénateurs) – malgré des municipales décevantes en particulier en Ile-de-France. Ils ont surtout permis l’élection des 3/5 des candidats écologistes. Là où le rassemblement n’a pu s’opérer, la gauche a perdu des sièges. C’est le cas par exemple dans les Deux-Sèvres où une liste EELV isolée et sans perspective de succès s’est maintenue privant de victoire la candidate socialiste pour quelques voix seulement.

Ce constat rappelle à EELV, peut-être grisé par ses succès aux municipales dans les grandes villes, sa dépendance vis-à-vis de l’électorat de gauche. L’exemple strasbourgeois en est une illustration. Si la nouvelle maire EELV de Strasbourg peut se féliciter que le vote des grands électeurs en faveur de la cause écologiste a dépassé les frontières de la ville centre et de la métropole, c’est certainement parce que ses alliés de gauche ont permis d’élargir sa base électorale à des zones périurbaines et rurales.

La gauche dans son ensemble devra en tirer deux enseignements pour les futures échéances électorales :

  • lorsque la dynamique unitaire de ce nouveau pôle écolo-socialiste est à l’œuvre, la victoire est possible.
  • les conclusions tirées par les médias sur les municipales de juin dernier étaient peut-être erronées. Le raz-de-marée vert, loin d’être un tsunami, pourrait n’avoir été qu’une poussée électorale, certes significative, mais rendue surtout possible grâce à une dynamique unitaire comme à Marseille. Ce constat apporte de l’eau au moulin des socialistes qui ont jugé un peu hâtive les déclarations d’Olivier Faure selon lesquelles le PS pourrait rejoindre le panache d’un candidat écologiste lors des prochaines présidentielles.

On comprend dès lors la stratégie de Yannick Jadot qui souhaiterait déclarer sa candidature au plus vite, sans attendre la séquence des élections locales de 2021. Celles-ci présentent en effet le risque de révéler la difficulté des écologistes à élargir leur audience au-delà des centres urbains des métropoles. En d’autres termes, les municipales auraient surtout démontré le maintien de la bipolarité traditionnelle Gauche / Droite. Or la ligne politique sociale écologiste portée par les listes d’union victorieuses aux municipales dans les grandes villes est ancrée à gauche et approuvée par un électorat de gauche. Le dépassement de ce clivage par une candidature que souhaiterait incarner Yannick Jadot s’en trouve aujourd’hui mécaniquement affaibli.

La tentation pour EELV de devenir ce que le PS a construit dans les années 70, c’est-à-dire le pôle dominant de la gauche, serait certainement une stratégie plus appropriée dans ce contexte. Le parti écologiste a-t-il toutefois les moyens de ses ambitions ? Nous devrions avoir une grande partie de la réponse à cette question en mars prochain !

 

Julien Pontier Directeur général adjoint Euros / Agency Group

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