La Conférence sur l’avenir de l’Europe, lancée le 9 mai 2021 à Strasbourg pour une durée d’un an, a constitué une expérience de démocratie participative unique en Europe, donnant la voix aux citoyens européens afin de définir une vision commune pour construire l’Union européenne de demain.

Sous l’impulsion du président français Emmanuel Macron, alertant en 2019 sur la nécessité de poursuivre la construction européenne face aux crises rencontrées, puis reprise par le couple franco-allemand, l’idée d’une Conférence sur l’avenir de l’Europe est née en décembre 2020 lorsque la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l’inclut dans les orientations politiques de la Commission.

La clôture de la Conférence et la remise des recommandations finales ont coïncidé avec la présidence française du Conseil de l’UE. Il s’agissait alors d’une opportunité pour le président français nouvellement réélu, Emmanuel Macron, de réitérer ses messages de démocratie participative et allant jusqu’à engager une réflexion autour d’une potentielle réforme des traités européens.

Un outil participatif impulsé par les ambitions macroniennnes ?

Depuis le début de son premier mandat, Emmanuel Macron a souhaité mettre en place plusieurs instruments de démocratie participative, prônant notamment  le recours à des outils tels que les référendums avec plus ou moins de succès. Cette orientation politique s’est notamment illustrée par l’organisation du grand débat national en 2019 créé comme un « outil consultatif de sortie de crise » face aux Gilets Jaunes ou encore la Convention citoyenne pour le climat visant à définir des mesures pour réduire nos émissions.

Cette dynamique participative a également été insufflée par Emmanuel Macron au niveau européen. Dès 2018, dans son discours de La Sorbonne, il annonçait sa volonté d’organiser dans chaque Etat membre volontaire des conventions démocratiques pour que les citoyens européens redessinent l’Europe. Mise en œuvre en 2019, cette idée a donné lieu à l’adoption de conclusions générales au Conseil de l’UE sur plusieurs sujets clés tels que l’immigration, l’environnement ou la convergence sociale, sans pour autant susciter un changement radical dans la politique européenne.

Dans cette droite lignée, Emmanuel Macron a été à l’initiative de la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui s’est organisée autour de plusieurs moments démocratiques. Cela a donné lieu à la mise en place d’un panel de citoyens européens représentatif, d’événements décentralisés organisés par des citoyens et  organisations publiques, ainsi que la création d’une plateforme numérique multilingue. Cette Conférence a mobilisé plus de 50.000 citoyens et a contribué à la formulation de 325 propositions clés et d’un rapport final à destination des institutions européennes. Avec cette nouvelle initiative, Emmanuel Macron a relancé la question de l’avenir de l’Europe et celle de négociations sur une potentielle refonte des traités.

Des recommandations finales ambitieuses… mais réalisables ?

Dans le cadre des travaux de la Conférence, neuf thématiques sont venues cristalliser les attentes et propositions des citoyens européens : le changement climatique et l’environnement ; la santé ; l’économie, la justice sociale et l’emploi ; la place de l’UE dans le monde ; les valeurs de l’UE, l’État de droit, et la sécurité ; la transformation numérique ; la démocratie européenne ; la migration ; et l’éducation, la culture, la jeunesse et le sport.

Des thématiques fortement marquées par l’actualité qui a guidé de nombreuses recommandations inscrites dans le rapport final de la Conférence. Ainsi, la pandémie a fait naître une véritable volonté populaire de voir l’Europe se parer de compétences renforcées en matière de santé mais aussi d’énergie, une aspiration très largement motivée par l’invasion russe en Ukraine.. Une pression qui s’ajoute à celle de l’urgence climatique et qui donne également lieu à des recommandations citoyennes appelant à déployer les énergies renouvelables, à renforcer l’efficacité énergétique, et à développer les modes de transport les plus durables.

Avec au moins 30 % de jeunes impliqués dans les panels et séances plénières de la Conférence, et à l’aune de l’”Année européenne de la jeunesse” en 2022, il n’est pas étonnant que plusieurs objectifs et mesures du rapport final aient vocation à développer pleinement le potentiel des prochaines générations à construire l’Europe de demain. Parmi ces recommandations, on peut notamment relever la promotion et le soutien au travail des jeunes ou le développement de l’implication des jeunes dans la démocratie au niveau de l’UE, notamment avec la considération du vote dès 16 ans aux élections européennes et l’introduction d’un Youth Check visant à consulter des représentants des jeunes pour les législations les impactant directement.

Les priorités des citoyens européens sont ainsi fondées sur des défis pressants et des aspirations à long terme. Mais sont-elles toutes réalisables? Alors que plusieurs d’entre elles font déjà l’objet de débats et d’initiatives législatives au niveau européen, tel que les enjeux d’indépendance énergétique, d’autres, comme l’introduction d’un Youth Check, invitent les institutions européennes à se pencher sur leurs possibles mises en place. Néanmoins, certaines s’annoncent plus complexes, n’étant pas réalisables en l’état actuel des choses et nécessitant un traitement différent que les institutions devront justifier avec soin pour ne pas risquer de renforcer le sentiment de défiance des citoyens européens à l’égard de l’UE.

Un élément catalyseur pour la réforme des traités ?

Les propositions soulevées par les citoyens européens appartiennent désormais aux institutions européennes qui doivent déterminer dans quelles mesures et sous quelle forme elles pourraient voir le jour. La question se pose tout particulièrement pour les propositions nécessitant une réforme des traités européens. Entre autres mesures, la volonté des citoyens de mettre fin à la règle de l’unanimité entre les Etats membres dans presque tous les domaines et d’accorder au Parlement européen le droit d’initiative des lois européennes sont deux mesures clés qui vont se heurter à l’opposition de certains Etats membres.

La généralisation quasi totale de la majorité qualifiée – sauf pour les domaines de l’élargissement et des valeurs fondamentales de l’UE – constitue l’une des propositions phares et relance le débat de la fin du droit de véto. Si la majorité des eurodéputés souhaitent aller de l’avant et réformer les traités en ce sens, les Etats membres sont plus divisés comme en témoigne la mobilisation de 13 Etats membres qui ont de suite rejeté l’idée d’une refonte des traités. Certains estiment qu’elle ne changerait pas le fond du problème, les sujets sensibles faisant toujours l’objet d’une forme d’unanimité ou de compromis entre les Etats membres pour préserver les intérêts légitimes. Si Emmanuel Macron a esquissé l’idée d’instaurer cette majorité qualifiée, il ne faut pas s’y tromper, cette proposition n’est pas celle de la France, présidente du Conseil, elle est bien celle d’un président nouvellement réélu qui défend son idée de l’Europe.

Autre projet qui ne fera certainement pas consensus, la proposition évoquée par Emmanuel Macron, dans son discours du 9 mai, de créer une “communauté politique européenne”, alternative temporaire à l’adhésion à l’Union européenne des pays candidats dont le processus est long et complexe.

Ainsi, on se rend compte une nouvelle fois que cette Conférence s’est surtout avérée être une opportunité pour Emmanuel Macron et non la PFUE qui n’avait pas vocation à endosser une dimension aussi politique et l’idée d’une refonte de l’UE. Cette présidence a permis de se pencher sur des questions d’ordre législatives et techniques tandis que la Conférence à permis à Emmanuel Macron d’asseoir sa vision de l’UE à l’aune de bouleversements comme la nouvelle coalition en Allemagne, le populisme croissant et la guerre en Ukraine.

Il convient désormais de voir, dans les mois à venir, si la Conférence sur l’avenir de l’Europe tiendra ses promesses et saura constituer un réel effet de levier pour lancer une réflexion autour d’une réforme de l’UE qui renforce ses compétences et tend vers plus d’Europe. Dans le cas contraire, les politiques pourraient se heurter à une défiance accrue vis-à-vis des pouvoirs publics, ayant l’effet inverse des objectifs initiaux. En organisant cette Conférence, les politiques se sont assignés un devoir de responsabilité vis-à-vis des citoyens qu’ils doivent désormais honorer sous peine d’accroître le sentiment de scepticisme à l’égard des institutions européennes.

 

 

Marie-Estelle Gontier & Albane Vannier, conseillères

 

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