On attendait du premier tour des régionales et des départementales qu’il soit la répétition générale du scrutin présidentiel. Elles auront été la répétition des élections municipales de 2020. Abstention affolante, prime au sortant systématique et extrême faiblesse des partis dominants à l’échelon national… La continuité avec la séquence électorale locale de l’année dernière est frappante.

 

Une abstention historique

67,6% des électeurs inscrits sur les listes électorales n’ont pas souhaité se déplacer. Une analyse plus fine de la participation permettra d’identifier les ressorts de cette désertion des bureaux de vote, en particulier par les couches populaires et les jeunes. L’abstention a atteint des sommets insoupçonnés parmi les 18-24 ans (87%) et les 25-35 ans (83%). Il sera urgent de s’interroger sur ce désastre démocratique, au-delà des problèmes techniques dénoncés par une grande partie des responsables politiques (notamment sur la distribution des professions de foi) et sans invoquer comme le porte-parole du gouvernement la crise sanitaire. Chercher une responsabilité du côté des appareils politiques et de nos institutions serait probablement plus avisé.

Le fait que seulement un tiers des électeurs ait glissé un bulletin dans l’urne ce dimanche rend quoiqu’il en soit particulièrement difficile de tirer des enseignements. Il serait hâtif et imprudent de conclure à une redistribution des cartes pour les présidentielles. On pourrait même imaginer sans prendre trop de risques que les prochaines études d’opinion ne révèlent aucune répercussion sur les intentions de vote en faveur d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ce niveau d’abstention semble en revanche le symptôme d’une défiance grandissante à l’égard des institutions, y compris locales, ce qui est relativement nouveau.  Il est enfin préoccupant car il annonce une rentrée difficile. Quand la colère ne s’exprime pas dans les urnes, elle se manifeste dans la rue, et parfois dans la violence !  

 

Une décorrélation complète entre le jeu politique national et local

Deux principaux partis animent principalement le débat démocratique national : LREM parce qu’il est le parti majoritaire à l’Assemblée nationale et le RN parce qu’il est le parti de la candidate arrivée au second tour en 2017 et donnée favorite du 1er tour en 2022. Or ces deux partis sont les grands perdants des régionales. Les deux anciens partis de gouvernement sortent en revanche renforcés grâce aux bons scores de l’ensemble des Présidents sortants, reconnus pour leur bonne gestion de la crise sanitaire.  

 

L’ancrage territorial de LREM toujours défaillant

LREM manque d’un ancrage local qui pourrait faire défaut l’année prochaine au candidat Macron en 2022. Une nouvelle structuration du parti de la majorité présidentielle semble désormais inévitable, au-delà d’une probable nouvelle incarnation de sa direction. Emmanuel Macron paie là l’inexistence de LREM sur le terrain. Conséquence, le parti du Président n’est ni en position de gagner une seule région, ni même en capacité de peser sur le scrutin, sauf dans la région Centre Val de Loire où Marc Fesneau pourrait avoir la tentation de faire alliance avec LR ou à défaut de faire barrage au FN en soutenant la liste du Président sortant PS. Partout ailleurs, les résultats seront décevants pour le Président de la République qui pourrait regretter d’avoir mis inutilement en danger ses ministres partis affronter le suffrage universel. 

 

RN : le plafond de verre ne cède pas

Le Front national était en 2015 en tête au soir du 1er tour dans 6 régions ; il ne l’est aujourd’hui qu’en PACA, où Thierry Mariani est certes en tête avec un score de 34,8%, mais en retrait de 6 points par rapport à Marion Maréchal Le Pen.  Sébastien Chenu (24%) dans les Hauts-de-France réalise un score bien en deçà de ce que les sondages lui prédisaient. Jordan Bardella avec 13,4% perd 5 points par rapport à Wallerand de Saint-Just en 2015. Andréa Kotarac, candidat RN venu des rangs de LFI, est 30 points derrière Laurent Wauquiez.

Le RN peine ainsi non seulement à étendre son influence à l’échelon local, mais voit la persistance du fameux plafond de verre face à lui. Plus préoccupant encore pour Marine Le Pen, dans les régions où la victoire semblait à portée de main, ni dynamique ni forte adhésion des électeurs aux idées défendues par le RN ne sont constatées ; ¾ des électeurs de Marine Le Pen ne se sont pas déplacés pour voter ce dimanche. A l’inverse, une relative mobilisation de l’électorat contre le RN s’amorce sur ces territoires. La dramatisation des enjeux mise en avant par Marine Le Pen dans son discours au soir du 1er tour remobilisera-t-elle son électorat ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où le phénomène inverse s’était produit en 2015.

Ces résultats auront une incidence sur la gouvernance du RN : en coulisse,  la succession de Marine Le Pen qui devra quitter la tête du parti pour se consacrer à la campagne des présidentielles pourrait être assurée par Louis Aliot et non Jordan Bardella, un temps pressenti, mais dont le score en Ile-de-France le fragilise grandement. 

 

La primaire à droite est lancée

Quelle forme prendra la primaire organisée par LR ? Nul ne le sait à ce stade. Une chose est certaine, la course est lancée entre les trois présidents de Régions sortants, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et Valérie Pécresse. Chacun sort renforcés après ce premier tour, bien que la Présidente de la Région Ile-de-France soit dans une position plus fragile que ses concurrents. Une possible, mais improbable, dynamique de l’alliance des gauches au second tour, pourrait la menacer. Par ailleurs, elle n’a pas bénéficié à la même hauteur de la prime au sortant. Elle ne progresse depuis 2015 que de 5,5% quand ses rivaux, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, enregistrent respectivement 17,5 et 14 points de plus.   

Xavier Bertrand est le grand gagnant de ce premier tour. Allait-il résister à une poussée du RN annoncée ces dernières semaines dans les sondages et à l’envoi d’un fort contingent de ministres emmené par Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin ? Le résultat va au-delà très certainement de ses espérances. Il pourra sans mal durant la pré-campagne des présidentielles avancer son principal argument : représenter le meilleur rempart contre le RN. Sur le chemin qui le mènera à la candidature officielle à l’élection présidentielles, il trouvera toutefois Laurent Wauquiez, dont on attendait certes un bon score, mais pas à un tel niveau (42,7%).  

 

A gauche, l’union au 1er tour ne fait pas la force

Principal enseignement de ce côté de l’échiquier politique : le bloc de la gauche et de l’écologie (PS, EELV, LFI), non seulement résiste, mais représente la première force politique du pays (32,4%). Ses cinq présidences de région peuvent être conservées. Il n’en reste pas moins que les listes d’Union n’ont pas réalisé les scores espérés dans les régions en reconquête. Conduites par EELV, avec Karima Delli (Hauts-de-France) et Jean-Laurent Félizia (PACA), les listes d’union n’ont recueilli qu’entre 16 et 18%, loin du total présumé de chacun des partis. Autre enseignement qui pourrait avoir des répercussions sur le rapport de force à gauche avant les présidentielles et les législatives : le leadership de LFI et de Jean Luc Mélenchon ne relève pas de l’évidence. Lorsque LFI part sous sa propre bannière et seule, ses listes arrivent derrière EELV et le PS, comme en Ile-de-France et plus nettement encore en Auvergne Rhône-Alpes. Le PS maintient l’autorité de son chef de filat dans les régions où les listes d’union sont conduites partout avec succès par les Présidents PS sortants. Dans les régions en reconquêtes, l’avantage est donné par les électeurs aux listes EELV (Ile-de-France, Auvergne Rhône-Alpes) 

 

La région PACA sous le feu des projecteurs

Principale incertitude du second tour, la région PACA comme en 2015 est au centre de toutes les attentions médiatiques. A cela plusieurs raisons : le RN est en position de faire basculer la région à condition toutefois que son électorat se mobilise massivement. Le retrait de la liste d’union de la gauche n’est pas acquis, malgré la forte pression exercée par le PS et EELV par la voix d’Olivier Faure et Yannick Jadot. Sauront-ils être aussi persuasif que Manuel Valls, qui depuis Matignon avait pesé de tout son poids politique pour exiger le retrait de la liste de Christophe Castaner en 2015 ? La tête de liste EELV semblait dimanche soir ne peut vouloir répondre aux injonctions des appareils partisans faisant le pari risqué de compter sur son concurrent écologiste, Jean-Marc Governatori (5%) plutôt classé à droite pour assurer la victoire de Renaud Muselier (LR). Deux cas de figure se présentent : un retrait qui signifierait l’absence de la gauche durant 6 nouvelles années dans l’hémicycle du Conseil régional ou un maintien qui présenterait le risque de faire élire Thierry Mariani à la tête de la région PACA. Jean-Laurent Felizia suivra-t-il l’exemple de Christophe Castaner ou de Jean Pierre Masseret, qui avait refusé de retirer sa liste d’union de la gauche dans la région Grand Est en 2015 ? Dans les deux cas, le candidat de la droite Républicaine l’avait finalement emporté !

 

Julien Pontier

Directeur général adjoint Euros / Agency Group

 

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