Un démarrage tardif de la campagne aux conséquences inévitables sur l’exercice du mandat

Abstraction faite de ces circonstances exogènes hors-normes, les candidats eux-même ne sont toutefois pas exempts de tout reproche tant ils ont tardé à exposer leur programme. Peut-être parce qu’ils ont cherché sincèrement en amont de la campagne officielle la co-construction de leurs propositions. Plus sûrement est-ce un nouveau signe de délitement et de destructuration des partis, de moins en moins capables de soumettre aux citoyens une certaine vision du monde, y compris à l’échelon municipal. Avec pour conséquence que l’élection municipale est réduite à sa plus simple expression : le choix d’une personnalité pour occuper le fauteuil de Maire.

Cette nouvelle donne, qui trouve ses fondements depuis de nombreuses années, n’est pas sans conséquences dans l’exercice du mandat et dans la façon d’incarner le pouvoir municipal. Tout se passe comme si l’électeur élisait, de moins en moins, une équipe municipale, de plus en plus, un Maire au risque d’engendrer une pratique solitaire du pouvoir. Certes, ce n’est pas nouveau, notamment en raison du mode de scrutin municipal qui fait des adjoints et conseillers municipaux les obligés de la tête de liste devenue Maire ; mais ce scrutin renforce indéniablement cette tendance.

Des résultats à rebours de la dynamique électorale enclenchée en 2017

S’il fallait toutefois trouver de grandes lignes de force pour décrypter ce 1er tour, ce qui frappe c’est que ce scrutin est un miroir inversé des élections présidentielles de 2017. Il faut dire que les partis qui avaient fait « turbuler » le système, LREM et RN, en « sortant les sortants » (en l’occurrence les deux grands partis de gouvernement qui ont animés depuis le début des années 80 la vie politique), ont quelque peu déserté la campagne, ne présentant des listes sur leur nom que dans une minorité de collectivités.

En 2017, le clivage Gauche / Droite avait, sinon volé en éclat, en tout cas perdu de sa force. En 2019, les Européennes s’étaient inscrites dans la continuité, installant durablement, pouvait-on penser, un clivage entre fédéralistes et progressistes d’un côté et nationalistes et conservateurs de l’autre. La surprise de ce 1er tour des municipales, c’est le retour des vieux partis, solides dans leurs bastions des grandes métropoles pour le PS et dans les villes moyennes pour LR. Le paysage politique s’est quasi vitrifié, comme si la crise sanitaire avait amplifié la prime aux sortants.

Plus attendue était la percée du vote écologiste, faisant des enjeux environnementaux, le curseur autour duquel s’est structurée la campagne. Plus particulièrement dans les grandes agglomérations, plus les candidats ont défendu des programmes radicaux sur cette thématique, plus leur score est élevé. Les perspectives de conquêtes

des listes écologistes soutenues par la gauche à Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Besançon, ou encore le score plus élevé que prévu d’Anne Hidalgo à Paris l’attestent. EELV, mais plus généralement, les listes qui ont le plus teinté leur programme de vert, ont réussi à faire de la lutte contre le changement climatique le nouvel axe de clivage de ces municipales. L’exemple d’Anne Hidalgo, que peu d’observateurs voyaient gagner en 2019, en bonne politique rompue aux campagnes depuis 20 ans, l’a mieux compris que quiquonque. Elle doit certainement sa victoire de 1er tour à cette stratégie : « pour défendre l’avenir de notre planète depuis Paris, il fallait voter Anne Hidalgo », coupant l’herbe sous le pied de la liste écologiste conduite par David Belliard.

Le rendez-vous manqué de la majorité en place

C’est certainement également la clé d’analyse de l’échec du parti du Président, qui partait avec plusieurs handicaps, dont les principaux sont le manque d’ancrage territorial et le fait que les élections intermédiaires sont très souvent dévastatrices pour le pouvoir en place. Ce qui a fait l’originalité du mouvement créé par Emmanuel Macron ne pouvait structurellement se trouver au centre d’une campagne municipale, par essence polarisée sur des enjeux locaux. Or, LREM n’a pas eu le temps ou la volonté de construire un corpus idéologique pour structurer une offre politique originale et mobilisatrice pour cette échéance électorale. Pour le dire autrement, LREM a souhaité garder sa stratégie du « en même temps », qui lui a été si profitable pour rassembler les deux électorats orphelins de la gauche et de la droite traditionnelle en 2017. Au regard des résultats, cette stratégie n’était pas la bonne. La prime au sortant, bien connue, a fait le reste… Erreur d’autant plus regrettable que l’électorat d’En Marche! était certainement enclin dans les grandes villes à suivre le parti du Président sur une ligne plus verte, surtout dans les grandes métropoles… là où précisément les électeurs d’E. Macron se sont volatilisés.

Une opportunité pour co-construire les politiques locales

Bien évidemment, difficile de se projeter sur l’après-municipales, alors même que les nouveaux exécutifs ne pourront être élus vraisemblablement avant plusieurs mois. La campagne escamotée et l’abstention record peuvent toutefois laisser craindre un défaut de légitimité des nouvelles équipes municipales. Ce ne sera pas sans conséquences dans l’élaboration des politiques publiques locales. Ce sera probablement une opportunité pour les acteurs économiques, le monde associatif et plus généralement les citoyens pour être davantage associés à leur construction, leur contenu et leur application.

Réinventer une démocratie participative qui ne se cantonne plus à la réfection d’un bout de trottoir ou à la pose d’un bac à fleurs : c’est peut-être la nouvelle révolution qui se profile. Les élus y seront probablement contraints. Courante depuis longtemps à l’échelon européen, de plus en plus en vogue à l’échelon national, la co-construction des politiques publiques se jouera d’autant plus à l’échelon local demain.

Euros / Agency se tient prêt pour vous accompagner dans ce nouvel environnement !

 

Julien Pontier
Directeur général adjoint
Euros / Agency

 

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